Mieux connaître Liz Greene
Astrologue et analyste jungienne, Liz Greene jouit d’une estime et d’un respect inégalés auprès des astrologues du monde entier, tant professionnels qu’amateurs. Elle est l’auteur prolifique de plusieurs ouvrages et de nombreuses publications et a contribué à façonner l’astrologie psychologique moderne.Elle possède un doctorat en psychologie et est psychanalyste jungienne diplômée. Elle possède également un diplôme en counselling du Centre de Psychologie Transpersonnelle de Londres et détient un diplôme de la Faculté des Études Astrologiques, dont elle est gouverneur à vie.
La création de l’Analyse psychologique par horoscope, entre 1985 et 1987, marqua une étape importante dans l’histoire de l’astrologie psychologique. Liz Greene, l’auteur, et Alois Treindl, un programmeur de génie, ont créé une interprétation d’horoscope par ordinateur dont la qualité n’a pas encore été égalée à ce jour. Alors que les analyses par ordinateur dressaient simplement la liste des éléments de l’interprétation astrologique en blocs de textes sans lien les uns avec les autres, Alois Treindl, un spécialiste de l’intelligence artificielle, alla beaucoup plus loin. Il créa un programme qui pouvait simuler la méthode même utilisée par Liz Greene dans l’interprétation d’un thème pendant une consultation personnelle.
Au lieu de produire une liste d’éléments parfois contradictoires d’interprétation, les analyses par horoscope offrent au lecteur une synthèse de la carte du ciel, un profil personnel qui décrit leur disposition fondamentale, les thèmes principaux les plus forts et les aspects de l’ombre. L’unique combinaison d’astrologie, de psychologie jungienne et d’un remarquable talent d’écriture d’un côté, et le véritable génie de la programmation de l’autre ont mené au succès continu de ces analyses.
Entrevue avec Liz Greene.
TMAPar Darrelyn Gunsburg, traduit de l’Anglais par Aurélien Riglet.
Extrait du TMA (The Mountain Astrologer) de février-mars 2005.
Liz Greene a été le premier professeur d’astrologie de Patrick Curry au milieu des années 70. Ils ont tous deux obtenu leurs doctorats tôt dans leurs vies, et, après avoir pris contact, se tournèrent vers des chemins différents. Aujourd’hui, en 2004, leurs voies se sont croisées à nouveau, mais cette fois en tant que collègues, co-enseignant le module de psychologie du master d’astrologie pour le Bath Spa University College. Quels sont leurs différents styles d’astrologie, et comment les ont-ils atteints ? Quelle est leur philosophie en ce qui concerne l’astrologie ? Comment voient ils l’astrologie évoluer au cours de la prochaîne décennie ?
Nous complétons cette interview en deux parties avec le Dr. Liz Greene, une des meilleures astrologues du 20ème siècle et de ce début de 21ème. Ses premiers livres, Saturne (1976), Relating (1978), et The astrology of fate (1984), modelèrent quasiment à eux seuls l’astrologie psychologique moderne. Ils entamèrent un considérable et substantiel champ d’exploration qui continue à ouvrir les perspectives astrologiques des états mythologiques et psychologiques.
Je me suis entretenue avec Liz chez elle, à Bath, le 29 Juin 2004
Darrelyn Gunsburg : Liz, en se retournant pour regarder votre vie, qu’est ce qui vous a initialement dirigée vers la voie que vous avez suivie?
Liz Greene : Je ne sais pas vraiment. Certainement, l’impulsion n’est pas venue de ma famille, parce qu’ils ne touchaient pas ce genre de domaine, bien que mes deux parents écrivent bien, et qu’il y ait toujours eu beaucoup de livres dans la maison. Je pense qu’une part en revient au besoin de comprendre pourquoi je percevais les choses comme je le faisais. La bibliothèque de mes parents avait une grande valeur, parce que je suis tombée sur Freud à 12 ans. J’ai tiré L’interprétation des rêves du rayon et je l’ai lu. Je me souviens d’avoir pensé, « J’ai raison ! Je ne suis pas folle après tout. ». Je suis une rêveuse exaltée, et j’ai toujours su quelque part que les rêves étaient importants. La révélation de ce côté inconscient des gens et de leur incapacité à voir que leur comportement et leur motivation affectent directement leurs interactions, sans qu’ils ne le réalisent, était quelque chose que je semblais avoir toujours su, mais dont je ne pouvais pas vraiment obtenir d’écho. Ainsi, beaucoup du comment j’ai avancé sur ce chemin tient à la découverte de livres confirmant les perceptions qui n’étaient pas corroborées par l’école, les professeurs, ou par mon environnement immédiat. Ceci me conduisit à l’intérieur, et m’amena à chercher la compréhension au travers de ce que les autres écrivaient, inévitablement, le domaine de la psychologie, des phénomènes mystiques et surnaturels s’ouvrit, tout ce qui m’avait fascinée depuis le plus jeune âge. Je ne peux pas me souvenir d’un moment où je ne l’aurais pas été, et cela devint une route évidente à suivre pour plus tard.
J’étais chanceuse de ce que mes parents aient des livres sur la mythologie et les contes de fées, et que ma mère me les lise quand j’étais petite. Quoique mes parents puissent avoir mal fait, ils m’ont donné ce grand présent, dont je leur serais toujours reconnaissante. Donc, j’avais déjà un sens de « l’histoire », et j’ai toujours écrit des histoires, aussi loin que je me souvienne. Mais autrement, je pense que j’avais simplement une tête pleine de « choses » dont je n’avais ni le nom ni le langage, et ce ne fut ensuite plus qu’une question de découverte de langages qui donneraient un sens à tout cela et pourraient me permettre de communiquer. Au moment où j’avais onze ou douze ans, j’étais convaincue que les gens se réincarnaient. J’étais sûre qu’il y ait des choses telles que des fantômes, ou des résonances de quelque sorte, et j’ai toujours senti qu’il y avait un autre côté caché de la vie que les gens ne remarquaient pas. Je peignais – c’était une autre perspective d’avenir – et j’ai trouvé beaucoup de magie dans la nature ; c’est toujours le cas. Ecrivains et romanciers travaillent avec cette matière depuis que l’on écrit des romans, ce n’est donc pas du tout le New-Age [Nouvel-Age, ndt]. Shakespeare m’a toujours fascinée. J’adore les pièces de théâtre, et Shakespeare est empreint de destin et de la manière dont l’on conjure sa destinée. Les tragédies grecques m’ont toujours séduite. Ainsi, ces idées sont disponibles à d’autres endroits que les sources New-Age. J’en ai trouvé beaucoup dans la littérature et le théâtre.
DG : En termes de religion, dans quel genre de foyer avez-vous été élevée ?
LG : Il n’y avait aucune tendance lourde me poussant à être religieuse au sens orthodoxe. Mes deux parents croyaient en Dieu ; ils avaient la structure éthique et morale, mais sans un cadre doctrinal strict, j’ai donc eu beaucoup de liberté sur ce point-ci.Mon père était anglais. Il est né à Londres, et me donna le prénom de la Reine, pour mes péchés. [Rires] Je suis née au Etats-Unis, et quand j’allais en Angleterre, je n’avais pas de passeport britannique, mais lorsque j’en ai demandé un, je l’ai eu instantanément.
Les parents de ma mère venaient de Vienne. Mes parents ont tous les deux emporté avec eux les valeurs, les images, le style de cuisine, et les langues de leurs propres origines. Mes grands parents parlaient allemand, mais j’ai un problème avec la langue allemande : je la trouve trop rêche. Cependant, j’ai une passion pour leur musique – mon amour pour Wagner et Strauss – J’ai donc grandi dans une culture européenne. Sur l’un des murs de la maison de mes parents, où mes grands parents on vécu un temps, il y avait une photo de la Reine, et sur un autre, il y avait une photo de l’empereur Franz-Josef, parce que mon grand-père a toujours pensé que la pire des choses qui ait jamais touché l’Autriche fut la chute des Hapsburgs. Ainsi, l’énergie dans la maison n’était pas très américaine.
Mon père a toujours regretté d’avoir quitté l’Angleterre. Il venait d’une famille nombreuse, et ils étaient extrêmement pauvres. Son frère aîné s’en est allé combattre dans la Première Guerre Mondiale et fut tué. Mon père voulait être architecte ; il parvint à obtenir une bourse d’études à l’université de Londres, mais ses parents dirent non, nous avons besoin de toi pour travailler, qu’ils ne le laisseraient pas y aller. Il était enragé, il fit donc ses bagages, émigra et ne les revit plus jamais. Le climat après la Guerre était plutôt horrible. Il n’y avait pas d’emplois. Mon père était excessivement amer parce que son frère favori avait été tué, et je pense que tout ceci l’empoisonna. Il voulait une nouvelle vie et sentit qu’il ne pourrait pas en avoir une en restant à Londres parce que la famille était à Londres. Je pense qu’il avait quelque part l’idée qu’une nouvelle vie formidable l’attendait en Amérique, mais ça ne se passa pas ainsi. A ce moment, il se maria avec ma mère, il en resta donc là. Il rencontra ma mère en Amérique. Ils étaient tous deux impliqués dans des cercles politiques. Ils étaient des démocrates hautement passionnés et de grands admirateurs de [Franklin D.] Roosevelt, et je pense qu’ils se rencontrèrent lors d’une sorte de rassemblement politique. Mais mon père n’est jamais devenu américanisé. Il avait ses harengs fumés le matin, et sa Guinness le soir. C’était un homme profondément introverti et inintelligible, mais nous nous comprenions l’un l’autre. Nous n’étions pas proches au sens conventionnel du terme, mais je pense que nous étions extrêmement proches à un autre niveau.
Ma mère était effrayée par la métaphysique. Elle ne m’a jamais empêchée de lire des livres traitant de ce sujet, mais elle était une personne hautement extravertie, et le monde intérieur l’effrayait, elle ne voulait donc simplement pas en parler. Mon père n’a jamais rien dit à propos des questions métaphysiques, et j’ai seulement découvert, bien, bien après, avant qu’il ne meure, qu’il avait été fasciné par ces choses toute sa vie. Ainsi, j’ai probablement reçu quelque chose de lui par osmose, car il n’en a certainement jamais parlé. Il n’y avait aucune résistance de la part de mes parents, mais j’en ai certainement rencontré au cours de ma scolarité. Je n’ai qu’un frère, Richard Leigh, un écrivain, qui est aussi impliqué dans le monde de la métaphysique. Nous étions tous deux de « vilains petits canards », comme Bernadette [Brady] le dit. Rich et moi avons passé tous deux un moment vraiment dur à l’école. Je ne sais pas à quoi ressemble la scolarité américaine maintenant, je peux seulement dire ce qu’elle était à l’époque. L’administration scolaire était assez obsédée par l’idée de « normalité », c’est-à-dire l’extraversion : Vous sortez le soir et adhérez à l’équipe, et vous jouez au hockey et au football. Lui et moi sommes largement sortis du cadre avec nos tests de QI. Nous étions tous deux introvertis et assez étranges, et comme je préférais lire des livres ou peindre des tableaux, ou faire pousser des plantes plutôt que de jouer au hockey (c’était vu comme « anti-social »), nous avons été étiquetés comme « TMA » – pas The Mountain Astrologer, mais Too Many Aptitudes (trop de facilités, ndt). Nous étions considérés comme dangereux parce que nous avions trop de talents dans trop de domaines. Il y eu donc beaucoup de tentatives pour nous « réparer » afin que nous soyons des enfant normaux, heureux, américains. Heureusement, c’était avant les jours du Ritalin, ou nous aurions été sans aucun doute traités médicalement. Nous étions tous deux assez solides pour dire aux psychologues et conseillers d’éducation où s’arrêter, nous demeurâmes ainsi obstinément ce que nous étions. C’était l’Amérique de McCarthy où nous avons grandi étant enfants. Pas un climat agréable.
DG : Pas agréable du tout. Pouvez-vous voir quelque chose de positif qui en vienne, mis à part la solidité et la force de dire non ?
LG : La seule chose que je sens avoir obtenue en grandissant en Amérique, et que je n’aurais pas eue si j’avais grandi en Angleterre, était l’absence d’un système de classes. Je suis très reconnaissante de ne pas avoir été alourdie psychologiquement par l’énorme puissance de la hiérarchie sociale britannique, car je l’ai tellement vue meurtrir les gens ici. Tout ce qui est arrivé récemment est que le système de classes s’est inversé lui-même, la nouvelle classe « haute » est la classe ouvrière à l’accent régional, et la nouvelle classe « basse » l’anglais soutenu d’Oxford. La hiérarchie est profondément enracinée ici. En grandissant en Amérique, vous n’êtes pas touché par ça ; vous grandissez en croyant que quoique vous puissiez faire de vous-même, c’est ce que vous deviendrez, et de ceci je suis spécialement reconnaissante.J’ai aussi eu une bonne éducation. J’ai commencé avec littérature anglaise comme majeure, mais c’était sous la contrainte – c’était le choix de mes parents. Mon choix aurait été d’aller en école d’art. J’avais un talent médiocre comme peintre, mais un talent médiocre ressemble à un gros talent dans une petite ville. [Rires] De toute façon, je pensais que je voulais être une artiste, et j’aurais probablement bien réussi dans une branche du design quelle qu’elle soit, mais cela ne m’était pas permis. Ainsi, j’avais obtenu des bourses d’études accordées sur la base de mon choix de la littérature anglaise comme option principale. Après un mois, je ne pouvais plus le supporter, je me suis donc réorientée vers le département des arts du théâtre, et ma nouvelle majeure fut design des scènes et des costumes, avec une mineure en psychologie. Ca j’ai adoré ! Ensuite, après un moment, la psychologie devint plus intéressante, je me tournai donc vers elle. Mais initialement, mes aspirations touchaient aux arts visuels.
DG : A un certain niveau, c’est presque comme si le blocage du désir de votre père de faire de l’architecture s’était exprimé après tout – consciemment ou inconsciemment – au travers de vos études de design des scènes et des costumes
LG : Tout le monde a des talents, quels qu’ils soient. Ce qui est triste, c’est que de nombreuses personnes ne les trouvent simplement jamais. Ils ne savent pas où regarder, ou on ne leur donne pas d’encouragements. Si vous recevez des encouragements de vos parents, alors vous trouverez vos talents et les approfondirez. Mais je pense que les talents sont héréditaires. Je pense qu’une aptitude pour le design ou le jardinage, ou la cuisine, ou raconter des histoires, ou peindre, ou la musique peut se voir sur les cartes de naissance comme des signatures émergeant des familles : Toutes les femmes de la famille ont la lune en lien avec Uranus, ou tous les hommes dans la famille ont Mars trigone Neptune, ou quoi que ce soit. Ce sont des talents. C’est la signature d’une aptitude ou d’une capacité qui, si elle est développée, pourrait se concrétiser.
DG : Avez-vous vu ceci réfléchi dans le thème de votre père et dans la vôtre ?
LG : Jusqu’à un certain point, oui. Je suis sûre d’avoir reçu une aptitude pour la peinture ou le design de lui, je ne peux donc pas me permettre de la revendiquer comme « mienne ». Nous recevons ces choses comme des dons. Si vous pouvez les développer, c’est merveilleux. Si vous ne pouvez pas, même si c’est un talent très médiocre, vous pouvez au moins en profiter comme loisir. Je suis sûre d’avoir reçu une part de mon intérêt pour le design visuel de lui.
DG : Je me souviens que vous m’ayez dit, il y a plusieurs années, que vous aviez votre doctorat pour pouvoir dire certaines des choses que vous vouliez dire sans être remise en question.
LG : Eh bien, à ce moment j’étais déjà « tombée » dans l’astrologie, et obtenir mon doctorat était un choix hautement calculé, délibéré et cynique : « J’en ai marre d’être traitée par les gens comme une lunatique. Si j’ai ce titre de Dr juxtaposé à mon nom, ils y penseront à deux fois. » Bien sûr, j’ai dû me museler et produire un travail dans un langage acceptable pour l’université. La différence maintenant est que vous pouvez faire un master ou un doctorat à Bath Spa et étudier ce que vous aimez, et reconnaître que vous aimez ça. Mais à cette époque, vous ne pouviez pas faire ça. Ainsi, c’était un choix calculé.
DG : Etes vous en train de dire que vous n’avez pas aimé ça ?
LG : J’ai détesté ça. J’adorerais faire un autre doctorat maintenant, et je le ferais probablement. J’aimerais le faire à Bath Spa, parce que je pense que ce serait si amusant. Mais obtenir mon doctorat à ce moment là fut déplaisant. Le sujet m’intéressait. Ma thèse était sur « L’hystérie, l’auto-hypnose, et les guérison religieuses miraculeuses », et ça m’intéresse toujours – comment les gens traversent d’extraordinaires expériences de guérison de maladies dont l’origine est discutable et dont la guérison est attribuée à une religion particulière ou un prêtre, ou une relique sainte. En effet, les guérisons de ce type semblent survenir dans toutes les religions, elles ne peuvent donc manifestement pas être le fait d’une religion précise. Donc, quelle est la dynamique ? C’est ce que j’essayais d’explorer dans ma thèse, mais je n’ai pas pu le faire sur une voie menant vraiment au monde symbolique. J’ai du être rigoureusement clinique, ce qui était irritant.
DG : Revenons un pas en arrière, comment vous êtes-vous plus impliquée dans l’astrologie, puisque je suppose qu’à cette époque il n’y avait pas de cours formels ou d’enseignement ?
LG : En fait, il y avait des cours en Angleterre – la faculté des études astrologiques était déjà sur pied et fonctionnait à cette époque. Il y avait des professeurs qui enseignaient l’astrologie aux Etats-Unis, mais c’étaient des individus isolés ; il n’y avait pas de vraies écoles d’astrologie. Des livres étaient proposés par Dane Rudhyar et Marc Edmund Jones, tout comme des astrologues britanniques tels qu’Alan Leo, Charles Carter, et Margaret Hone. Mais les endroits où vous pouviez aller pour apprendre l’astrologie étaient plus des écoles d’initiation que des écoles d’astrologie comme aujourd’hui. Il y avait quelque chose de très secret, clanique et doctrinal à leur sujet, et elles venaient toujours avec un emballage religieux. Vous deviez être un rosicrucien ou un théosophe. J’étais à Boston, à ce moment, et quelqu’un m’emmena voir Isabel Hickey, qui dirigeait une petite classe là-bas. Isabel était une théosophe convaincue, profondément imprégnée d’enseignement théosophique, son astrologie venait donc avec cet emballage. Elle exigeait que ses étudiants adoptent ses croyances, ce qui pourrait être une des raisons pour lesquelles je ne suis pas restée très longtemps. Nous n’avons pas accroché, et à la fin, je ne voulais plus rien apprendre d’elle. Au lieu de ça, elle ma rendu si furieuse que je me suis acheté chaque livre que je pouvais trouver et j’ai appris toute seule. Elle a été à l’origine d’une grande motivation pour moi : la colère est souvent une manière extrêmement bénéfique de se mettre en mouvement. Nombreux sont ceux à être passé par d’Isabel. Howard Sasportas allait à ses cours, tout comme Darby Costello. Nous ne nous sommes jamais rencontrés les uns les autres là-bas, car nous y assistions à des moments différents. Mais tous y sont passés. Avec du recul, je suis incroyablement reconnaissante pour la façon dont les choses se sont déroulées. Si j’avais eu la sorte de nature recherchant un gourou, je serais devenue une astrologue théosophe et un clone d’Isabel, et je n’aurais jamais développé mes propres observations et expérimentations comme je l’ai fait. Je n’ai connu aucun autre professeur, j’ai donc commencé à explorer par moi-même et continua ainsi jusqu’à ce qu’il soit bien trop tard pour trouver un professeur.J’ai commencé à enseigner l’astrologie à 19 ans. Je n’aurais jamais pensé faire une telle chose. J’avais seulement étudié durant deux années quand une classe dont le professeur s’était volatilisé se présenta à l’horizon. Ils avaient entendu quelque part que j’étais astrologue, mais je ne me voyais pas comme « une astrologue ». Je tâtonnais, essayant de donner un sens à l’astrologie que j’apprenais, et une douzaine de ces étudiants arrivèrent. Ils dirent, « Nous avons entendu dire que vous étiez un professeur. Pourriez vous venir et nous apprendre ? » Jupiter transitait directement en mon Soleil – Milieu du ciel, et je me souviens avoir pensé à ce moment, « Ne sois pas idiote. Tu ne sais rien du tout. » J’ai aussi une profonde ambivalence à parler devant un groupe. Je suis toujours paralysée par la terreur. Mais quelque chose d’autre à l’intérieur dit, « Tais-toi et fais-le », je me suis donc tue et je l’ai fait. J’ai trouvé ça très amusant, car je découvrais ce que je savais grâce aux questions que l’on me posait. Beaucoup d’étudiants en astrologie attendent toujours le jour où ils seront prêts à faire des cartes ou celui où ils sentiront qu’ils en savent assez pour enseigner. Un tel jour n’existe pas. Je pense que nous en savons toujours beaucoup plus que nous ne le réalisons, et il faut que quelqu’un d’autre demande, « Qu’ est-ce que ça signifie ? » Ensuite vous n’avez plus qu’à plonger en vous-même, et soudainement vous faites un rapprochement de choses que vous aviez remarquées mais n’aviez pas confrontées les unes aux autres. Le mécanisme d’apprentissage est souvent stimulé lorsque quelqu’un d’autre pense que vous avez quelque chose à lui apprendre.
DG : Donc, quand avez- vous décidé de quitter les Etats-Unis ?
LG : J’ai toujours voulu partir. Quand j’étais enfant, je savais que je voulais partir. J’ai grandi dans un foyer européen, et je n’étais pas heureuse de la culture du monde extérieur. Je sentais que je m’adapterais mieux en Europe, où les introvertis ne sont pas considérés comme dangereux. Aussi loin que je me souvienne, je ne me sentais pas à ma place en Amérique. Ce que je vois dans l’Amérique d’aujourd’hui est une émergence de ce que j’ai rencontré dans les années 50. C’est encore et toujours Joe McCarthy, mais avec des boucs émissaires différents. L’administration en place répète simplement le passé.
Parfois, je sens qu’il y a deux Amériques. Il y a l’Amérique puritaine qui est toujours latente, attendant l’occasion de se manifester, et il y a l’Amérique libérale, tolérante, ouverte d’esprit, intelligente qui tend à être localisée dans les villes sophistiquées – avec un grand vide entre les deux. Cette seconde Amérique réussit parfois à se faire accepter, ce qui n’est pas arrivé depuis les années 60 avec Kennedy. Je pense que c’est dommage que Bill Clinton ait été autant vilipendé, car il était en fait un bon président. L’endroit où un politicien met son appareil génital n’a aucun intérêt pour moi ; ça n’a rien à voir avec la qualité de son travail. Mais les Etats-Unis ont été fondés par les puritains, et quelque chose dans la psyché collective continue à revenir sans cesse à ces valeurs. Même s’ils sont temporairement éclipsés, les puritains attendent toujours une occasion, et ils s’en sont pris à pour Clinton. Vous devez vous battre sans répit pour vous libérer d’eux.
DG : Etes-vous capable de suggérer une solution, astrologique ou autre ?
LG : Je ne sais pas ce qui pourrait nous aider maintenant, mis à part d’éjecterGeorge Bush. Mais c’est un président élu. Bien sûr, il y a l’argument selon lequel il ne l’est pas, mais plus ou moins la moitié du pays a voté pour lui. Ce n’est pas comme s’il était un dictateur s’imposant contre les souhaits de tout le monde. Le peuple élit ses dirigeants. Tout le monde ici se plaint de Tony Blair. Et bien, nous l’avons élu, pour l’amour du ciel. Certains d’entre nous s’en sont gardés, mais pas la plupart. Il a gagné avec une majorité écrasante. Je suis allée en Suisse juste avant les élections générales, en partie parce que je savais ce qui allait arriver. Tout le monde croyait que Blair était le nouveau Messie, qui pourrait marcher sur l’eau. J’ai pensé, « Donnez-leur le temps de la moitié d’un transit de Neptune en Verseau, et ils finiront par comprendre. » Blair était le Grand Espoir – tout le monde était convaincu qu’ils allaient avoir une société merveilleuse, égalitaire. Eh bien, ce n’est pas plus égalitaire maintenant que ça ne l’était quand il a été élu, et en fait, c’est devenu bien pire. Quelques soient leurs bonnes intentions , il faut une personnalité pour le moins inhabituelle et extraordinaire pour ne pas être corrompue par le pouvoir, et Tony Blair n’est pas particulièrement extraordinaire.Je n’ai aucune solution pour ce genre de problèmes. Peut-être, si un peu plus de réactivité, de conscience et de responsabilité individuelle étaient manifestées aux prochaines élections américaines et britanniques, quelques uns des dommages occasionnés pourraient être réparés. Je ne sais si les candidats en lice ont la capacité de réparer ces dommages. Clairement les bons dirigeants n’apparaissent pas à chaque génération. Et la prédiction des résultats d’élection n’est pas mon domaine en astrologie, de toute façon.
DG : Avez-vous écrit Saturne lors de votre retour de Saturne ?
LG : Non, il a été publié exactement à mon retour de Saturne, mais j’ai commencé à l’écrire 18 mois plus tôt. Tout ce que j’écris est bien plus satisfaisant si je ne maîtrise pas le sujet ou si je ne suis pas assez compétente. Ensuite, si j’enseigne ou écrit sur ce sujet, je suis contrainte de faire des recherches et à apprendre, et il y a plus d’énergie et de satisfaction ainsi plutôt que d’écrire à propos de quelque chose que je connais bien.. J’ai écrit Saturn pour essayer de mieux comprendre la planète.Je n’ai jamais dans ma vie fait un effort en vue d’un but objectif, excepté pour mon doctorat. Ecrire Saturn était plutôt comme, « Je pense que je vais essayer ça, ça à l’air intéressant. » Et après il y avait un livre. J’ai pensé : « bon, qu’est-ce que tu peux faire avec un livre ? Je sais : Je vais aller à ma bibliothèque, et regarder tous les livres d’astrologie que j’aime vraiment et voir qui les a publiés. Tout ce que je risque est que quelqu’un ayant publié le genre de livres d’astrologie dont j’ai apprécié la lecture puisse être intéressé par celui-ci. » L’éditeur se trouva être Samuel Weiser Inc., je leur ai donc envoyé le manuscrit avec une lettre qui disait, « Seriez-vous intéressé par ceci ? » J’étais un peu comme le Fou au début d’un cycle de tarot, allègrement prête à marcher par delà le bord de la falaise. Ensuite, j’ai pensé « Je vais faire une couverture pour eux. » J’ai donc fait un dessin à la plume et leur ai envoyé, et voici alors qu’il le mettent sur la couverture. J’étais extrêmement chanceuse d’avoir rencontré Donald et Betty Weiser. Le livre suivant que je leur ai envoyé était Relating, et depuis les Weiser ont publié pratiquement tous mes livres, exceptés les volumes publiés par le CPA Press [Centre pour l’Astrologie Psychologique] – Bien qu’à présent ils s’appellent Red Wheel / Weiser et ont une organisation différente
DG : Cela m’a fascinée quand vous m’avez raconté que vous aviez travaillé dans l’industrie musicale pour Shelter Records, organisant la tournée européenne du chanteur et guitariste de blues Freddie King. Comment vous êtes-vous retrouvée dans cette situation ?
LG : Rien n’est impossible ! [Sourires] Au début des années 70, je travaillais comme astrologue professionnelle et exerçait également la psychothérapie. L’un de mes clients était un producteur de disques anglais appelé Denny Cordell, qui avait produit Procul Harum et Joe Cocker et venait juste de finir la fameuse tournée « Mad Dogs and Englishmen » Denny avait rencontré un chanteur nommé Leon Russel et voulait savoir ce qu’il en était de la viabilité de leur projet de monter un label ensemble en Californie. J’ai fait leur thème composite et les encouragea à aller plus loin, et je n’ai ensuite plus rien entendu d’eux pendant deux années. Durant ce temps, je n’étais pas heureuse dans mon travail de psychothérapeute – J’étais trop jeune et me sentais piégée par le travail – et je ne pouvais pas vraiment subvenir à mes besoins en tant qu’astrologue. Je suis complètement inapte à un travail de bureau de neuf à dix sept heure « convenable », j’étais donc prise dans un dilemme. Je voulais travailler comme astrologue, mais j’avais besoin de quelque chose pour compléter mes revenus. Mais ce devait être quelque chose qui ne tuerait pas mon âme. Un jour, j’ai allumé la radio qui cracha « Roll Away the Stone », qui était le premier gros succès de Leon Russel. Ce fut suivi par quelques bavardages à propos de Shelter Records et de Denny Cordell. Mes oreilles se dressèrent, et je pensa : « Rends toi compte, ils y sont allés et l’ont fait, tout comme tu l’avais suggéré. Je vais appeler Denny Cordell et lui demander de me donner un travail. » Et c’est ce que j’ai fait. C’était le commencement de deux merveilleuses années de Rock ‘n’ roll, dont j’avais besoin pour sortir de mon dilemme. Mon amour du théâtre était, je pense, ce qui me conduisit dans l’industrie du disque. C’était un monde magique à cette époque – les artistes étaient sensés avoir du talent et n’étaient pas créés par une machine publicitaire. Je faisais les thèmes des futurs artistes que Denny pensait engager dans la compagnie. J’ai aussi fait des thèmes pour le personnel, quand des problèmes surgissaient entre eux.
DG : Quel homme perspicace !
LG : Oh, Denny était merveilleux, un homme assez extraordinaire. Ce fut grâce à lui que je suis allée en Europe pour la première fois. Je suis venue à Londres via une entreprise de voyages d’affaire et pensa, « Je suis revenue à la maison.» Ensuite, j’ai commencé à chercher un moyen de rester ici en permanence. J’ai essayé de convaincre Denny d’ouvrir un bureau à Londres, mais il n’était pas préparé à le faire à ce moment, j’ai donc fini par simplement émigrer. Plus tard, j’ai continué à voir Denny tous les deux ans, jusqu’à ce qu’il meure.
Toutes ces différentes choses – étudier le design des costumes et des plateaux à l’université et travailler pour des théâtres estivaux, faire mes études universitaires, travailler dans l’industrie du disque – Je suis si contente d’avoir essayé toutes ces choses, parce qu’elles ont été des expériences tellement formidables dont j’ai tant appris. Il y a différentes dimensions de la vie que je pense extraordinairement enrichissantes. Je n’ai jamais regretté en aucune manière d’avoir suivi ce chemin extrêmement tortueux, sans avoir aucune idée claire d’où j’allais, excepté de faire la prochaine chose qui semblait intéressante. Le fil conducteur a toujours été mon amour de l’astrologie, mais autrement il n’y a pas d’ordre ou de logique.
DG : Et après ça ?
LG : J’ai lu Jung tout le long de mon éducation, bien que je n’ai pu l’incorporer à mon travail universitaire – il n’était pas considéré assez « scientifique ». Lorsque je suis allée en Angleterre, la première chose que j’ai faite a été de me former au Centre pour la Psychologie Transpersonnelle avec Ian Gordon Brown et Barbara Somers. C’était excellent, mais à la fin j’ai senti que le côté clinique du travail psychothérapeutique n’était pas assez accentué. Les deux côtés du spectre psychologique m’ont toujours semblé ne détenir que la moitié de la vérité. La psychologie transpersonnelle et la bonne vieille méthode centrée sur l’évacuation des problèmes rencontrés durant l’enfance font toutes les deux partie de nous, et le côté clinique me manquait. Mon éducation universitaire était minimale en termes d’entraînement psychothérapeutique. J’ai donc décidé d’effectuer un entraînement jungien. Je sentais que cela me formerait convenablement, que j’aurais une bonne base pour le travail psychothérapeutique des profondeurs. J’ai terminé mon entraînement analytique en 1983, et j’ai ensuite exercé durant plusieurs années aussi bien en tant qu’analyste qu’en travaillant en tant qu’astrologue.
J’ai eu mon Diplôme de la Faculté des Etudes Astrologiques avant d’avoir écrit Saturn. Je l’ai passé dés que je suis arrivée en Angleterre. Je suis très appliquée quand il faut obtenir des bouts de papier, car ils sont tellement pratiques. Je voulais également combler les lacunes de ma connaissance. J’ai dû me remettre à jour et réapprendre beaucoup avant de réussir l’examen de la faculté.
DG : Donc, il y a vraiment un intérêt à passer des examens, parce que vous réalisez ce que vous ne savez pas et pouvez ensuite combler les lacunes ?
LG : Je pense vraiment que c’est une erreur de ne pas se soumettre à des examens, quels qu’ils soient. Même si j’ai dit que j’ai détesté faire le doctorat, je ne regrette pas de l’avoir fait. Mis à part la valeur du bout de papier, cela ma forcée à penser de manière qui m’étaient étrangères et incommodes, ce qui n’est pas une mauvaise chose. C’est pourquoi je pense que le cours de Bath Spa est si précieux. Les astrologues sont en général extrêmement intuitifs. Ils ont un sens des symboles – c’est pourquoi ils se dirigent vers l’astrologie, c’est pourquoi ils l’aiment, c’est pourquoi ils sont bons dans cette matière. Mais c’est facile de négliger son raisonnement et de faire beaucoup d’hypothèses. Nous ne nous posons pas assez de questions sur nous-mêmes : « Comment suis-je arrivé à cette conclusion ? Quelle philosophie y ai-je incorporée ? » Nous savons si peu de choses de notre propre art. Beaucoup d’astrologues disent que les examens ne peuvent déterminer si vous êtes un bon astrologue, mais ce qu’ils peuvent c’est analyser les domaines où vous devez utiliser votre cerveau. L’intuition seule n’est pas assez. Le cours de la Faculté est un superbe cours, et je pense que leur diplôme a une réelle valeur. Ca vaut la peine de faire l’effort de l’obtenir, ne serait-ce que pour réaliser ce que vous ne savez pas. Cela vous force à penser. Surtout, à structurer ce que vous pensez que vous savez dans un langage que quelqu’un d’autre peut comprendre.
DG : Qu’est-ce qui vous a amenée à Bath Spa après avoir vécu si longtemps en Suisse ? Je sais que vous pensiez revenir en Angleterre de toute façon.
LG : C’était … Je voudrais dire « le hasard », mais nous savons toutes les deux qu’il n’existe pas de telle chose que le hasard. Mais ça ressemblait à la chance. Je voulais revenir en Angleterre, et il fallait savoir où. J’ai vécu quelques années à Londres, et puis je suis allée dans un village non loin d’Oxford, ce qui fut une erreur atroce – en partie à cause du village mais aussi parce qu’Oxford est un endroit difficile. C’est une ville magnifique, mais la vie y est divisée. Il y a l’université et il y a les usines de voitures – et pas grand-chose entre les deux. Ils appellent la division « town and gown » [ville et robe, ndt]. La mentalité universitaire à Oxford est extrêmement étriquée et fermée. Ils ne peuvent déjà pas supporter un psychanalyste, n’y pensez pas avec un astrologue, et j’ai expérimenté une impolitesse incroyable des professeurs – une impolitesse vraiment grossièrquoi que ce soit d’autre que leur propre petit monde. De l’autre côté d’Oxford, c’était, « Rentrons à la maison et prenons deux pintes de bière blonde et regardons East Enders [Un feuilleton télévisé à propos de la vie de tous les jours des familles de la classe ouvrière prédominante vivant dans une banlieue fictive de l’extrémité Est de Londres.]. » Oxford était clairement le mauvais endroit pour moi. J’ai déjà eu un pied-à-terre [en français dans le texte, ndt] à Londres, mais je ne voulais pas vivre là-bas encore, parce que c’est si encombré. J’ai besoin de regarder par la fenêtre et de voir quelque chose de magnifique. Je ne peux pas regarder dehors par la fenêtre et voir le mur en brique du bloc d’habitations de quelqu’un d’autre. Finalement, ce devait être quelque part en dehors de Londres, quelque part de magnifique mais où je pourrais prendre un train et aller à Londres assez facilement. Le choix le plus évident était Bath, le plus attirant car j’adore l’archéologie et l’histoire romaine. Si les romains étaient ici, ça doit être bien. Je me suis donc décidée pour Bath avant même que le cours de l’université ne commence.
Le temps que je déménage effectivement à Bath, le projet Sophia était complètement sur pied et fonctionnait. Mais je n’en savais pas grand-chose au début. Puis Nick [Campion] et Patrick [Curry] m’ont demandé si je voulais donner un cours, comme test d’essai. J’aime le contexte dans lequel je travaille maintenant à Bath Spa. Je suis une conférencière à temps partiel, je n’ai donc pas à m’occuper d’aucune administration. Je ne suis pas une bonne administratrice. Quand il faut s’occuper du CPA, Juliet [Sharman-Burke] fait tout le travail administratif, bénissez la – Si elle n’était pas là, le CPA n’existerait pas. Mais j’ai le plaisir d’avoir la possibilité d’enseigner.
DG : Qu’est-ce que vous pensez que le fait d’être à Bath Spa vous apporte ?
LG : Je dois apprendre de nouvelles choses et étirer les muscles de mon cerveau. Plutôt qu’une astrologie « pratique » (« Aujourd’hui nous allons donner un séminaire sur Jupiter. Jupiter en première maison signifie … »), je dois apprendre ce que Marsilio Ficino pensait de Jupiter et pourquoi, ou comment les astrologues gréco-romains comprenaient la différence entre l’âme et le corps, ou pourquoi Thrasyllus, l’astrologue romain qui édita le travail de Platon, maquilla et réarrangea les dialogues comme il le fit. Je dois explorer l’histoire des idées derrière l’astrologie avec lesquelles nous travaillons à présent. Je trouve ça incroyablement exaltant. Ca me donne une excuse pour revenir et être à nouveau étudiante. Je dois faire beaucoup de travail pour préparer ces classes. Je ne peux pas baratiner, parce que les étudiants sont vifs et ont de la repartie, ça me permet donc de développer ma pensée. Faire des thèmes et enseigner l’astrologie pousse à apprendre, aussi, mais d’une façon différente. Les cours de Bath Spa me conduisent à apprendre des choses dont je n’aurais pas autrement pu justifier de passer autant de temps à faire. C’est si amusant. Cela me demande aussi de faire appel à mon sens de la roublardise. Nous sommes ici au beau milieu d’une université, regardez ce que nous y faisons ! Je trouve que c’est un joli coup, car la communauté astrologique n’a jamais collectivement digéré sa rupture avec les universitaires. La plupart des astrologues se sont enfuis du monde académique. Il y a les grands dieux des institutions bien-pensantes, et nous sommes soit sur la défensive, soit nous les rejetons complètement, ou nous plaidons, « S’il vous plaît, prenez-moi au sérieux, je ne suis vraiment pas fou », et nous nous soumettons à beaucoup d’abus. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai eu mes bouts de papier ( mes diplomes). Si un universitaire dit, « Quel tas d’absurdités ! », je peux dire, « Et bien, en fait, si je veux l’opinion d’un esprit entraîné académiquement capable d’apprécier ce matériel objectivement, je me le demanderais à moi-même. ». A présent, remercions le projet Sophia, ceci nous pouvons tous le faire. Le cours soigne beaucoup des sentiments d’infériorité propre à la communauté astrologique.
Le cours nous entraîne aussi à communiquer dans un langage que les autres universitaires comprennent. Le monde académique n’est pas uniquement un monolithe d’intolérance. Il y a quelques personnes extrêmement intéressantes et intelligentes qui aimeraient en savoir plus, mais parce que nous ne parvenons pas à articuler l’astrologie dans un langage autre que notre propre jargon, ils ne saisissent pas la teneur de notre langage. Cependant, si les idées issues du monde astrologique peuvent être communiquées dans un langage que les universitaires puissent comprendre, ils sont extrêmement intéressés. Cela a été notre échec, pas le leur. C’est pourquoi le module de méthodologie est si important à Bath Spa. Même si tout le monde le déteste et bondit de bas en haut en donnant des coups de pieds et en hurlant, nous apprenons comment communiquer avec les gens qui viennent d’une autre mentalité et découvrons comment les rencontrer à mi-distance . Ceci est immensément précieux.
DG : Il y a une sorte de division dans la communauté astrologique à propos des cours universitaires d’astrologie, n’est-ce pas ?
LG : Il y en a une. Nombre d’astrologues n’en voient pas l’intérêt et gardent du ressentiment contre toute cette soudaine mise en avant du travail universitaire. Ils disent, « Cela ne fait pas de vous un bon astrologue. » Il y a une part de vérité dans ceci. Etre « un bon astrologue », quoique cela signifie, requiert de nombreuses compétences, dont nombre d’entre elles ne peuvent pas être enseignées à l’université. Mais il y a parfois une sorte de paresse dans notre pensée et dans notre capacité à articuler ce que nous savons en anglais ordinaire. Nous n’en savons pas assez sur l’histoire de notre sujet ou des différentes philosophies qui ont participé à le modeler. Nous ne comprenons pas, d’un point de vue objectif, la philosophie particulière que chaque astrologue adopte individuellement, et nous n’en savons pas assez des domaines connexes comme les arts et la littérature. Il y a une sorte de fondamentalisme chez certains astrologues : « Maintenez l’astrologie pure, nous n’avons pas besoin de savoir quoi que ce soit d’autre. » Mais nous ne pouvons pas séparer l’astrologie de quoi que ce soit d’autre. C’est un langage universel, et c’est pourquoi il traite de sujets universels. Comment allez vous traduire le langage si vos perceptions sont si étriquées qu’elles sont enfermées dans une petite boîte ? Vous pouvez avoir une intuition ou un sentiment à propos d’un emplacement planétaire, mais comment allez-vous l’expliquer au client, si vous ne pouvez même pas relier les phrases ensemble correctement ? Je suis totalement en faveur d’un entraînement mental rigoureux. Je pense que nous en avons besoin, en tant que communauté. Cela concerne la capacité à observer votre propre processus de pensée – et de comprendre et de formuler comment vous en êtes arrivé à cette conclusion.Nous avons besoin de savoir tant de choses, nous ne cessons jamais d’apprendre. Mais nous devons aussi savoir comment apprendre. Nous devons utiliser notre esprit d’une certaine façon pour apprendre. C’est un processus actif, pas passif, et il n’y a pas assez d’astrologues à faire cet effort.
L’astrologie est un langage si magnifique, mais c’est facile de devenir paresseux avec, que ce soit dans notre façon de penser ou de communiquer. Vous allez à une réunion d’astrologues, et quelqu’un dit, « Comment allez-vous aujourd’hui ? » et quelqu’un d’autre répond, « Oh, Saturne est sur ma lune. » Nous pensons tous que nous savons ce que ça signifie, mais chaque personne pourrait comprendre quelque chose de légèrement différent. Les psychologues deviennent paresseux avec leur jargon aussi. Ils perdent la capacité de communiquer avec une personne qui n’est pas versée dans ce jargon. De même, je ne peux vraiment pas supporter le massacre de la langue anglaise. Le langage est une chose remarquable, et être capable de bien utiliser une langue est un don merveilleux. C’est comme n’importe quoi : plus vous le respectez, plus vous pouvez créer avec. Quand je regarde la grammaire et l’orthographe vraiment horribles et l’appauvrissement du vocabulaire parmi nombre d’astrologues, cela m’attriste. C’est presque comme si la langue était perdue. C’est vrai que les médias nous abrutissent, et l’astrologie est en danger d’être tout aussi stupide. La portée de notre concentration s’amoindrit de plus en plus. Nous voulons des « bons mots » plutôt que des discussions élargies et des débats. Nous lirons un roman s’il fait 92 pages, mais pas s’il en fait 600. DG : Sauf si c’est du J.K. Rowling.
LG : [approuve de la tête] Sauf si c’est J.K. Rowling [auteur de la série Harry Potter] ou Le Seigneur des Anneaux – et même Le Seigneur des Anneaux s’est trouvé être trop difficile pour certains. Mais combien d’astrologues vont lire Proust ou Mann ? Bon, peut-être que ces auteurs-ci ne sont pas la tasse de thé de tout le monde, mais nous négligeons tristement la profusion de littérature disponible pour accroître notre compréhension de la nature humaine. Je lis parfois le retour venant du livre d’or du site Web Astrodienst, et l’orthographe y est souvent atroce. Certains astrologues ne peuvent même pas épeler Jupiter. Ils n’écrivent même pas des phrases cohérentes. Ils écrivent quelque chose qui ressemble à un texto. Cela me désole vraiment. Notre niveau d’alphabétisme à besoin d’être élevé. Autrement, nous ne pouvons pas comprendre, sans parler de communiquer, l’abondance des richesses de notre symbolisme. Bath Spa est un lieu où les gens doivent s’asseoir et écrire des copies d’astrologie correctes, avec des phrases et tous les points et les virgules au bon endroit, et des renvois corrects, et les sources convenablement citées et listées, et les choses comme ibid. et op. Cit. . Vous pourriez bien demander, « Qu’est-ce que ça peut bien faire à un astrologue de savoir ce que op. Cit. signifie ? Cela ne fait aucun bien, au sens littéral. Mais, tout comme apprendre le latin, cela donne de l’exercice aux muscles entre vos oreilles.
DG : Liz, comment voyez-vous donc l’astrologie façonnée par cet entraînement académique s’exprimer au cours de la prochaine décennie?
LG : D’ici quelques années, la manière dont les gens expriment l’astrologie sera un peu différente. Cela mobilise déjà la communauté astrologique britannique de façon extrêmement positive. Dans ce pays, le vilain commérage, la malveillance et la jalousie professionnelle qui ont criblé les écoles d’astrologie ici – et dans tous les autres pays – commencent à être mis de côté à la faveur d’un objectif plus large. Nous avons réalisé être de fait une communauté et que le développement de nos facultés de compréhension et de communication en tant qu’astrologues est plus important que nos petites luttes de pouvoir. Quelque chose d’assez remarquable commence à se produire : Nous créons l’unité en respectant enfin la diversité. Ceci vaut son pesant d’or.
DG : Liz, merci beaucoup de votre disponibilité pour cette entrevue. Nous vous souhaitons des moments fructueux pleins de succès et de joie à Bath Spa, quelque soit la manière dont vous les façonnerez – ou qu’ils vous façonneront.
Pour plus de détails sur le Master d’astronomie culturelle et d’astrologie au Bath Spa University College :
http://www.bathspa.ac.uk/